La Chaîne de l’Espoir : trente ans d’engagement racontés à travers 30 témoignages

18 Fév 2025

La Chaîne de l’Espoir : trente ans d’engagement racontés à travers 30 témoignages
À l’occasion de son 30ᵉ anniversaire, La Chaîne de l’Espoir retrace son parcours à travers une publication qui reflète son engagement en faveur de la santé des enfants.

Ce livre réunit plus de 30 récits, autant d’engagements portés par des acteurs et partenaires clés de l’association, qui, chacun à leur manière, ont contribué à cette aventure humaine exceptionnelle. Ces témoignages dévoilent les multiples facettes d’une mission fondée sur la chirurgie, la médecine, la solidarité et l’engagement, où se conjuguent générosité, passion et persévérance.

Parmi ces textes d’une sincérité désarmante, découvrez le témoignage de Madame Maria Elena Cuomo, qui revient avec émotion sur la création du Centre Cardio-Pédiatrique Cuomo, un projet rendu possible grâce à la fondation philanthropique qui porte son nom.


Qui aurait jamais imaginé qu’une plante venue d’Italie puisse trouver un terreau fertile auprès de La Chaîne de l’Espoir ? Personne. Pas même moi.

Un hôpital ? À Dakar ? Une longue histoire que l’on peut raconter brièvement avec quelques détails marquants.

Je suis Présidente de la Fondation Cuomo, créée en 2001 - sur Ordonnance Souveraine du Prince Rainier III - co-fondée avec mon époux Alfredo Cuomo, décédé en 2009. J’ai repris le flambeau des projets dits « humanitaires » ou, plus modestement, « humains », tels que prévus dans les statuts de la Fondation. Ces projets ont essentiellement pour vocation l’éducation et les actions sociales et, en priorité, l’aide aux jeunes défavorisés dans les pays émergents, pour qu’ils puissent aller à l’école, accéder à l’éducation, ce afin de leur permettre d’avancer au sens large dans leur vie et préserver leur dignité.

QUELLES SONT LES ACTIONS DE LA FONDATION CUOMO ?

• Construire des écoles, tout particulièrement en Inde, dans l’État du Tamil Nadu. Toutes ont été édifiées aux alentours de Chennai, qui s’appelait un temps Madras, sur des terrains appartenant à l’Église catholique apostolique romaine, notre partenaire local. Dans cette région très rurale, nous avons permis à plus de 7 000 enfants d’être élevés comme les autres.

• Offrir des bourses d’études, permettant à des centaines d’entre eux d’accéder à des études supérieures.

• Creuser des puits comme au Mali, financer du bétail comme au Burkina Faso, afin de permettre aux populations de s’approvisionner et survivre.

• Créer une maison unique pour accueillir des enfants autistes dans le Sud de la France.

• Récompenser les lauréats du « Prix Chopin », concours international de piano « Roma ».

En définitive, nos interventions couvrent tous les domaines, tous sauf, jusqu’alors, celui de la santé : les hôpitaux, les médecins…et leur égo, dont les manifestations ont largement dépassé mes attentes ! Je connaissais le monde du cinéma avec ses divas mais il n’a rien à envier au monde de la médecine ! Une nouvelle aventure, cependant : un monde à part.

Ce furent des rencontres avec, d’une part, le Professeur Dreyfus, chirurgien cardiaque internationalement connu et reconnu comme l’expert de la valve mitrale, et d’autre part le Professeur Alain Deloche, son mentor. Et leur amitié de plusieurs décennies a fait pencher la balance du bon côté...

Le Professeur Deloche, par la magie du verbe et ses raccourcis saisissants, nous a vendu son rêve vieux de 20 ans : construire un hôpital de chirurgie cardiaque pour les enfants à Dakar. Pourquoi ? Pour faire en sorte que la guérison ne soit pas seulement réservée à quelques heureux élus, rapatriés en France pour y être opérés, mais à une majorité d’enfants ! Quand, à l’injustice de la maladie, s’additionne celle de ne plus pouvoir aller à l’école, le seul destin offert à ces enfants non opérés est la mort. Une situation insoutenable, présentée avec passion et humour par les deux éminents chirurgiens du cœur. Le Professeur Deloche a un don. Quand il parle, ses paroles hypnotisent et ont le pouvoir de rendre crédible le projet le plus fou, de le rendre matérialisable. Ce doit être dans l’ADN français, je pense : ce doit être le style Bonaparte du Professeur Deloche.

Après moult discussions et voyages, la Fondation a plongé en finançant intégralement le projet : construction, équipement et accompagnement pendant 5 ans après l’ouverture. Sur un ancien terrain vague donné par le CHU Fann se dresse aujourd’hui ce « bijou » de technologie moderne qu’est le centre cardio pédiatrique Cuomo à Dakar.

POURQUOI UN HOPITAL DE CHIRURGIE CARDIAQUE À DAKAR ?

Ce qui a suscité notre engagement ? J’ai encore en mémoire l’image du Professeur Deloche, face aux membres du conseil d’administration de la Fondation, expliquant d’un air aussi déterminé que précis que lorsqu’un enfant est malade, il ne va plus à l’école ; il s’exclut ainsi de toutes les relations sociales ; il ne connaît plus les rêves et les joies de l’enfance. Il n’existait rien à Dakar pour aider ces enfants : c’est notre enthousiasme qui a transformé ce rêve en réalité.

Il y eut aussi, plus que tout, le facteur humain, qui, lors d’un des premiers voyages, nous a décidés à agir : Awa, une enfant apeurée, mourante, dans un lit de l’hôpital Fann, dont les valves cardiaques étaient atteintes d’un rhumatisme articulaire aigu, et qui attendait, désespérément, une intervention salvatrice. Orpheline de mère, elle ne pouvait plus aller à l’école et rêvait d’une adolescence insouciante. Awa a été opérée avec succès, et je l’ai vue quelques heures après, guérie et ayant retrouvé l’espoir. C’était la magie de la chirurgie cardiaque. Je voyais le rêve devenir réalité pour Awa mais aussi pour tant d’autres.

À partir de là, les voyages à Dakar se sont succédés : le terrain vague nous attendait. Il attendait que la Fondation apporte son financement, pour que les architectes dessinent les plans, pour que les grues soient érigées, pour que les enfants malades recommencent à sourire.

MILLE INVITÉS A L’INAUGURATION DE FÉVRIER 2017

L’inauguration de février 2017 était, je me souviens, un moment solennel. Elle était à la hauteur des enjeux de ce beau projet. Mille personnes amassées dans l’enceinte d’un centre flambant neuf ; ce bloc rappelant le fonctionnalisme des avant-gardes du XXème siècle, paré d’un blanc immaculé et posé sur la terre rouge de Dakar tel un ovni. Une belle cérémonie présidée par la Première Dame du Sénégal, Madame Marème Faye Sall, et honorée par la présence de son homologue française, Madame Brigitte Macron. Cette cohorte, composée d’invités de marque et de notables dakarois se rendait au Centre en passant sous le baobab géant confectionné par les amis artistes sénégalais de la Fondation Cuomo. Cette arche d’accueil, en forme de baobab stylisé, est coiffé de la sculpture d’un cœur, symbole de la vocation de l’Institut. L’arbre, qui représente la bienveillance et la protection, si chères à l’Afrique, galvanisait l’espoir que la nouvelle unité cardio-pédiatrique allait susciter au Sénégal, jusque dans la sous-région…

J’ai continué à suivre Awa depuis. Elle a repris ses études, a été réopérée à Paris dix ans plus tard avec succès, et a suivi un cursus universitaire en biologie dont elle est sortie diplômée. La boucle était bouclée. La chirurgie avait permis d’éviter le pire et avait redonné à cette enfant défavorisée le goût de la vie, de faire des études, de réaliser ses projets et ses ambitions, de vivre sa vie, non de la subir. Nous avons tiré de ce beau conte de fées un petit bijou de film, « Un cœur sur la main », réalisé par un cinéaste majeur du continent africain, le Sénégalais Moussa Sène Absa, lauréat de l’Ours d’argent à la Berlinale 2003. Le cinéma est dans notre ADN. C’est notre façon, bien à nous, de documenter la vie de notre Fondation à laquelle cette mise-en-récit cinématographique donne une portée universelle.

Durant le terrible épisode de la pandémie, le Centre Cuomo a joué, on s’en souvient, un rôle majeur dans la gestion de la crise. Dès le mois de mars 2020, son fonctionnement a été totalement réorganisé avec l’interruption exceptionnelle de la prise en charge des patients cardiaques. Cette décision radicale mais nécessaire - et elle s’avérera salutaire - a permis de dédier exclusivement ses ressources à la gestion de la crise COVID-19. C’est l’excellence, tant en matière d’équipement - notamment son service de réanimation de pointe qui n’a pas d’équivalent dans le pays - que sur le plan des ressources humaines, exceptionnellement bien formées, qui a fait de notre Centre un véritable atout pour le pays face à l’imprévu. La communauté internationale a d’ailleurs salué l’effort du Sénégal qui, selon une étude publiée par le magazine « Foreign Policy », caracolait à la 2e position dans son classement de 36 pays à travers le monde pour leur gestion de la crise sanitaire. La contribution du Centre Cardio Pédiatrique Cuomo a été déterminante.

6 ANS APRÈS, 1000 PATIENTS OPÉRÉS, 1000 VIES SAUVÉES

Il y a tout juste un an, nous avons célébré la barre symbolique du 1 000ème patient opéré à Dakar. 1 000 opérations à cœur ouvert ; 1 000 vies sauvées ; 1 000 familles soulagées. Et toute une nation jubile. À juste titre. Il y a 10 ans, c’était impensable. Nous avons, tous ensemble, relevé un véritable défi ! Il reste tant à faire pour prévenir les décès tout à fait évitables dans cette partie du monde ; des milliers de patients, petits et grands, en attente de soins, et des milliers d’enfants, même pas encore nés, qui seront condamnés, faute de mesures préventives. L’on sait ce qu’il faut faire. Nous estimons avoir endossé notre part de responsabilité. À d’autres de suivre. Avis aux autres « Professeur Deloche » de se manifester.

Rome est grande. Jules César est le symbole de la grandeur de l’Empire Romain qui s’étalait jusqu’au nord de l’Europe et en Afrique mais s’arrêtait avant le Sénégal ! C’est pourquoi la Fondation, présidée par une Romaine, a eu l’audace d’aller plus loin que Carthage et de répondre au Professeur Deloche et au Professeur Dreyfus. Pour faire honneur aux centurions romains qui marchaient, construisant routes, aqueducs, ports, arènes, amphithéâtres ! Nous n’avons pas été aussi téméraires mais, plus modestement, avons posé les fondations d’une action humanitaire qui nous survivra, soyons-en certains.

Un grand merci à La Chaîne de l’Espoir avec laquelle nous avons pu concevoir ce projet unique et généreux. Notre enfant a aujourd’hui bien grandi et est désormais parfaitement autonome. L’édification de cet hôpital nous aura permis à tous de partager une aventure inoubliable, parsemée de moments aussi difficiles qu’enthousiasmants ; une aventure qui reste et restera toujours gravée dans nos mémoires, comme toutes ces belles choses que la vie nous apporte et que nous n’attendions pas.

Maria-Elena Cuomo
Présidente de la Fondation Cuomo